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Mélancolie
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Les
feuilles d'automne tourbillonnent lentement dans le vent et s'étiolent,
ici et là, en un amas triste, signe précurseur de cette
fin d'été qui s'annonce, inexorablement. Leur apparence,
si fragile, évoque en mon esprit de douloureux présages.
J'aime pourtant cette superbe saison, où toutes ces couleurs
jaunes, orangées, mêlées de teintes brunes et feu,
composent naturellement un vaste tableau d'une irréelle beauté. Mais cette
contemplation fait sourdre en moi un vague à l'âme angoissant.
Déjà ébranlé par de maintes interrogations
existentielles, je deviens, presque sans le savoir, la victime idéale
de ce que l'on appelle communément une dépression. Lorsque
l'âme étouffe, au point de n'entrevoir la moindre issue,
le plus petit signe d'un renouveau salvateur, il est clair que l'avenir
prend des teintes, sinon grises, du moins hiémales. Assis sur les
pierres chauffées par l'astre diurne déclinant, je soupire
et hume, comme si c'était la dernière fois, les senteurs
lourdes d'une nature écrasée de chaleur. Bien que la saison
d'été fut mitigée, plutôt fraîche et
pluvieuse, j'apprécie cet ultime sursaut de la nature, tant espéré,
qui me gratifie de cette douceur tardive. Suivant du
regard la course légère des premières feuilles
mortes, je laisse divaguer mon esprit vers des terres lointaines où
je sais mes souvenirs enfouis. Là-bas, par delà l'océan
qui déroule ses vagues sombres, il y a une part de moi-même
qui se meurt en espérant la délivrance de ceux qui ont
fait le tour de leur vie et qui n'attendent plus rien ici-bas
Remonter le
temps, changer le cours des choses, à quoi bon, puisque tout
est écrit. Il ne peut y avoir d'autre alternative, d'autre chance,
ni d'autre sursis. La faucheuse attend son heure, sûre de sa victoire
et me regarde, par en dessous, de son air moqueur. Je ne peux
me résoudre, je ne veux pas croire à ce qui doit survenir,
mais une lueur en moi me dit que bientôt, dans une autre vie,
quelque soit l'époque et le lieu, le renouveau naîtra de
cette folle espérance. Rien ne périt tout à fait,
sauf dans le cur des hommes. Il est des contrées, inexplorées,
où tous ceux qui savent attendre et entrevoir leur futur, trouveront
la somptueuse récompense de la vie et de l'amour. Pour l'heure,
je gémis et laisse couler des larmes que je sais lourdes d'émotion
et dont le flot grossissant inonde mes joues. Les sanglots qui s'échappent
de ma gorge serrée me secouent pitoyablement, aggravant encore
plus ce ressenti de profonde tristesse qui s'installe en moi. Le chemin
sera long, je le sais, afin que renaisse en moi cet espoir de lendemains
heureux, qui verra fleurir sur mon visage les expressions du bonheur. À cette
merveilleuse époque, je me dois de penser. Il faut que j'y accroche
mes rêves les plus fous, afin que ne meure tout espoir en mon
cur. L'avenir est à ce prix. L'amour éternel et
pur ne peut se concevoir ou se mériter autrement. Je me reprends
alors, doucement, sèche mes larmes d'un revers de la main et
lève mes yeux vers cet horizon infini où je te devine,
seule
Mes lèvres s'entrouvrent doucement et prononçant ton doux prénom, disent, je t'aime... Guy Vigneau |